- GAUCHE ET DROITE (histoire politique)
- GAUCHE ET DROITE (histoire politique)GAUCHE & DROITE, histoire politiqueLes grandes échéances électorales depuis 1974, notamment, ont mis en évidence les résonances passionnelles que continuent de susciter en France les termes de droite et de gauche. Qu’expriment précisément ces notions? Y a-t-il unité ou pluralité de chacune d’elles? Nul ne songe à contester l’existence historique d’une droite et d’une gauche: la place de droite étant, dès l’Antiquité, tenue pour la place d’honneur, les ordres privilégiés (clergé et noblesse) se trouvaient placés à la droite du siège royal, et les députés du tiers état (qui devaient fournir sa masse principale à la majorité révolutionnaire) à sa gauche, dès la réunion des États généraux; c’est à Versailles, le 28 août 1789, que les députés de la Constituante, afin de faciliter le décompte des voix, se séparèrent en deux groupes; par analogie avec la Chambre des communes où le parti au pouvoir siège à droite, les partisans d’un droit de veto absolu pour le roi se placèrent à droite du président, les tenants d’un régime constitutionnel dans lequel le roi ne jouerait qu’un rôle amoindri, à gauche. Le centre l’emporta: on s’entendit sur une transaction et un veto suspensif... Dès le 15 septembre, Mirabeau parle de «géographie» de l’Assemblée: l’habitude ne sera momentanément abandonnée que sous la Convention, en faveur d’une autre répartition topographique, les partisans de Robespierre siégeant sur les gradins supérieurs (la Montagne contre la Plaine). Droite et gauche ou, comme les appela François Goguel, ordre établi et mouvement continueront à s’affronter.Plusieurs raisons ont été avancées ces dernières années pour contester la pérennité de cette opposition. Selon les uns, droite et gauche seraient l’expression d’idéologies surannées fondées sur des débats périmés. À cette critique technocratique s’est ajoutée une critique politique, celle du gaullisme qui a prétendu transcender le clivage par de multiples réformes, au premier rang desquelles la mise en œuvre de la participation. Il faut noter à ce propos que si la droite est souvent favorable à une politique sociale avancée, elle seule a longtemps contesté la réalité d’un phénomène qui semblait la gêner. Le terme de droite n’était pas populaire, et plusieurs mouvements, comme autrefois la Gauche républicaine au Sénat, ont usurpé un adjectif qui cachait leur conservatisme réel. En fait, comme elles existent historiquement, droite et gauche ont également une réalité psychologique. Des tests, des sondages, des entretiens non directifs ont tenté d’isoler et de caractériser des attitudes et des comportements de gauche et de droite. L’homme de gauche croirait au progrès, à la transformation de l’homme et de la société, à la justice plutôt qu’à l’ordre; l’homme de droite croirait, pour sa part, à la Nature, à la religion, à l’autorité. L’un serait pacifiste, anticapitaliste, l’autre préférerait l’injustice au désordre. On peut ainsi aisément classer tout individu sur un axe droite-gauche. La conception d’un tel axe pose un autre problème, celui de l’unité ou de la pluralité de chaque camp. Là encore, historiquement et psychologiquement, il existe plusieurs gauches et plusieurs droites. Selon Georges Lefranc, il y a eu successivement, bien qu’elles aient parfois coïncidé, une gauche libérale et parlementaire, inspirée par Benjamin Constant, dont le rôle a pris fin avec le début de la IIIe République; une gauche démocratique et anticléricale, inspirée par Condorcet puis par la franc-maçonnerie et les radicaux et qui, malgré quelques soubresauts en 1924 et 1954, a décliné depuis 1919; une gauche socialiste et communiste enfin qui a su se constituer en force d’alternance dans le jeu des institutions de la Ve République, mais doit gérer depuis lors, outre ses propres dissensions, pour la partie socialiste, son expérience du pouvoir et, pour la partie communiste, l’effondrement de ses références à travers le monde. Quant à la droite, René Rémond y a distingué également trois tendances qui survivent: une droite ultra, contre-révolutionnaire, que l’Action française et diverses ligues ont représentée au XXe siècle; une droite libérale, orléaniste, qui a toujours accepté facilement le régime politique; une droite nationaliste enfin, plus autoritaire et plus réformatrice, dont le bonapartisme, le boulangisme et le gaullisme auraient été les avatars successifs. La dimension psychologique laisse apparaître des deux côtés des positions extrêmes et des positions modérées; elle met également en évidence la survie — en termes de sociologie politique plus que de représentation électorale, il est vrai — d’un centre, différent du marais constitué par ceux qui ne s’intéressent pas à la politique. La France voterait à droite ou à gauche mais souhaiterait être gouvernée au centre.
Encyclopédie Universelle. 2012.